Un premier samedi presque normal avec toutes mes filles, marqué par les joyeuses corvées de linge à laver. Les machines se sont succédées toute la journée, de 10h ce matin jusqu’à 10h ce soir. Le linge est enfin propre sec, plié et prêt à mettre dans le sac. Ce matin j’ai eu beaucoup de mal à me lever, j’étais très fatiguée et je pense que j’aurais pu rester sous les couvertures toute la journée, quand je me suis souvenue soudainement que les filles étaient à la maison. J’ai sauté du lit pour voir si elles étaient réveillées. Elles étaient toutes déjà levées et prêtes, elles n’attendaient que moi pour sortir.

Ce matin il y avait au village une cérémonie en la mémoire d’Ofek Rousso, un jeune de notre communauté qui a été tué le 7 octobre. Il avait l’âge de ma fille, celle qui fait son service dans l’unité canine. Il était combattant dans l’une des meilleures unités de l’armée, les commandos de la marine. Ce 7 octobre son unité a été l’une des premières appelées pour libérer les villages sur la frontière avec Gaza. Il a combattu toute la journée et a été tué en fin de soirée en tentant de secourir un soldat blessé. Il savait qu’en allant le secourir, il risquait sa vie et pourtant il n’a pas hésité.

Ofek est un enfant du Moshav, il a grandi avec ma fille, on était voisin, on habitait dans la même rue, quelques maisons nous séparaient. Ils étaient à la crèche ensembles et comme ils sont nés le même mois, à quelques jours d’intervalles seulement, ils ont aussi fêté leurs anniversaires ensembles. Puis ils ont été dans la même école, même collège, même lycée et ils ont aussi suivi les mêmes entraînements sportifs pour se préparer à l’armée. La maman d’Ofek, je la connais bien, en plus d’être ma voisine, je suivais chez elle des cours de Yoga. Elle est aussi belle, gentille et sportive que son fils était beau, gentil et sportif. Les deux, avec des cheveux blonds comme le blé et la bonté dans le regard.

Quand j’ai appris que Ofek avait été tué, je n’y croyais pas, j’avais entendu cette nouvelle le 8 oct quand nous ne savions pas encore ce qu’il se passait réellement à la frontière. Le fait qu’il ait pu être tué comme ça, connaissant son unité me paraissait tout simplement impossible. Quand la nouvelle a été confirmée, le sur lendemain, j’ai eu beaucoup de mal à aller voir ses parents pour leur présenter mes condoléances, mais je l’ai fait quand même.

Aujourd’hui, c’était tout aussi difficile, nous nous sommes rendus au café du village, où l’hommage était rendu et ses parents bien entendu étaient présents. J’ai pris mon courage à deux mains et je suis allée embrasser sa maman. Il n’y a rien que l’on puisse dire, ou faire, qui pourrait les consoler, Elle a pleuré et j’ai pleuré avec elle. On dit qu’il n’y a rien de pire que de perdre un enfant et je veux bien le croire.
Cela fait 100 jours maintenant, 100 jours qu’elle pleure tous les jours, 100 jours qu’elle ne trouve plus le sommeil, 100 jours qu’elle n’arrive pas à sortir de ce cauchemar car cela fait 100 jours que son fils n’est plus avec elle et qu’il ne le sera plus jamais. Ce 7 octobre, elle a été l’une de premières maman de soldats à perdre son enfant, elles sont aujourd’hui des centaines comme elle. Aucune guerre, aucun accord de paix, aucun cessez-le-feu ne les leur rendra.

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An almost normal Saturday with all my girls at home and a lot of laundry to do. The washing machine worked all day from 10 a.m. this morning until 10 p.m. this evening. Their clothes are finally clean, dry, folded and ready to put in the bag. This morning I had a hard time getting up, I was very tired and I could have stayed in bed all day when I suddenly remembered that the girls were at home. I jumped out of bed to see if they were awake. They were all up and ready, just waiting for me to go out.

This morning there was a ceremony at the moshav in memory of Ofek Rousso, a young man from our community who was killed on October 7. My daughter, the one who is in the Oketz unit and him were the same age. He was a combat soldier in one of the best units in the army, the Navy Commandos. On October 7, his unit was one of the first called to try to liberate the villages on the border with Gaza. He fought all day and was killed late in the evening while trying to rescue a friend.

Ofek grew up with my daughter, we were neighbors, we lived on the same street, a few houses separated us. They were in daycare together, they were born in the same month so they also celebrated their birthdays together. Then they went to the same school, same middle school, same high school, they even joined the same physical training to prepare themselves for the army. Ofek’s mother, I know her well, in addition to being my neighbor, I took yoga classes at her place. She is as beautiful, kind and sporty as her son was beautiful, kind and sporty. Both, with wheat-blonde hair and kindness in their eyes.

When I heard that Ofek had been killed, I didn’t believe it, I heard this news on October 8 when we didn’t yet know what was really happening at the border. Knowing in which unit he was serving, the fact that he could have been killed like that, seemed simply impossible to me,. When the news was confirmed, it was really hard to go to his parents to offer our condolences, one of the hardest things to do, but we did it anyway.

Today was just as difficult, we went to the main square of the village, where the tribute was being paid and his parents of course were present. I gathered up my courage and went to kiss his mother. I just hugged her, there is nothing we can say, or do, that could console them. She cried and I cried with her. One says there is nothing worse than losing a child, doesn’t matter how old the child is, it is definitely true.

It’s been 100 days now, 100 days that she’s been crying every day, 100 days that she can’t sleep, 100 days that she can’t get out of this nightmare, 100 days that her son is gone and she knows he will never come back. This October 7, she was one of the first mothers of soldiers to lose a son, they are today hundreds like her. No war, no peace agreement, no ceasefire will bring them back.

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