Nous sommes le jeudi 14 décembre, ma mère a une visite de routine à l’hôpital pour ses yeux. Le rendez-vous est à Bellinson l’un des grands hôpitaux de la region centre qui reçoit de nombreux blessés. Nous sortons à 8h, son rendez-vous est à 9:30. J’essaie de me déconnecter et de ne pas trop écouter les nouvelles mais je n’y arrive pas alors j’allume la radio pour l’heure de route que nous avons devant nous. Nous sortons de notre “zone de confort” qui est la région où nous habitons et qui a été hors de portée de missiles depuis le debut de la guerre et nous entrons dans une zone plus exposée, j’ai besoin d’être à l’écoute au cas où il y aurait une alerte, ce qui est très improbable, mais on ne sait jamais. La grande leçon de cette guerre aura été qu’il ne faut préjuger de rien…

J’ai appris à me concentrer sur plusieurs fronts…, je peux suivre à la fois; la route, les infos à la radio et la discussion de ma me mère qui reprend en boucle les mêmes infos mais en français. A un moment du programme, une femme d’un certain âge intervient et elle reçoit soudain toute mon attention. Je décide de reprendre ici son interview car elle mérite d’être connue. C’est une figure publique en Israël mais je ne sais pas si son histoire a eu beaucoup d‘écho à l’etranger.

Myriam Perez, âgée de 70 ans environ, est invitée ce matin pour une raison bien particulière, “elle sait réconforter”. Elle est ni assistante sociale, ni psychologue mais son parcours personnel et son expérience lui en donne la légitimité. Elle a perdu deux de  ses fils au combat. Ouriel à l’âge de 22 ans, lors de la deuxième guerre du Liban et Elyraz en 2010 à Gaza. Ses deux garçons étaient combattants dans l’unité Golani et quelques temps après la mort de son premier fils, son mari aussi est décédé, mort de chagrin… Il développa une maladie très grave et il se laissa mourir, alors ״faire son deuil ״ Myriam sait ce que cela veut dire et c’est la raison pour laquelle elle ira réconforter les familles des soldats Golani de la Gdoud 13 qui sont morts ces derniers jours.

Elle ira les réconforter, de la même manière qu’elle a réconforté des centaines de familles depuis le début de cette guerre et d’autres avant elles, dans de précédents conflits. C’est un travail de bénévolat quelle fait à temps plein; elle commence sa journée à 8h et finit à 23h. Forte du fait, qu’elle a pu se remettre de cette peine immense qui a été la perte de ses fils et de son mari, elle va rendre visite aux familles endeuillées afin de leur montrer comment elles pourront, elles aussi, se remettre de ce drame. Elle explique qu’elle peut rendre visite jusqu’à 14 familles par jour et que les familles l’écoutent avec attention et attendent ses conseils. 

Les premiers semaines, elle s’y rendait seule par ses propres moyens et de sa propre initiative puis le Ministère de la défense, réalisant à quel point son aide était précieuse l’a contactée et lui a proposé de l’aider en mettant à sa disposition une voiture et un soldat chauffeur pour la conduire. Normalement l’armée suit les familles endeuillées avec un soutien moral financier et une aide psychologique, l’armée suit de la même manière les familles dont un soldat a été blessé et qui ont besoin d’accompagnement immédiat, comme les conduire à l’hôpital, les diriger, leur expliquer et les aider dans tous les domaines humains et matériels, les loger près du lieu d’hospitalisation et les aider financièrement si leur présence journalière près de leur enfant blessé les empêche de travailler….

Malheureusement les blessés et les décès ont été si nombreux que l’armée n’a pas assez de personnel pour venir en aide à toutes les familles touchées  et la priorité est donnée aux familles des blessés. Cela signifie que bon nombre de familles endeuillées sont livrées à elles-mêmes, seules avec leur chagrin. C’est là que Myriam intervient. Elle raconte avoir été appelée, il y a quelques jours à peine, auprès d’une femme qui était sur le point de se suicider. Cette mère rongée par le chagrin se tenait sur le bord de son balcon, prête à sauter. Elle hurlait qu’elle avait perdu son seul et unique fils et qu’elle ne voulait plus vivre. Myriam lui a posé une simple question pour la stopper : “Est ce que ton suicide va faire revenir ton fils? “

Elle s’est ensuite présentée et lui a expliqué les raisons pour lesquelles elle devait continuer à vivre et à tout faire pour être heureuse. Myriam lui a dit qu’elle comprenait sa douleur et sa souffrance mais que son sucide ne fera que générer encore plus de souffrance. La raison qui doit la pousser à continuer à vivre est l’amour qu’elle portait à son fils. Myriam explique que la douleur est si forte qu’elle prend parfois le dessus sur cet amour et qu’il est nécessaire de le rappeler aux parents endeuillés.

Il est nécessaire de leur rappeler dans ces moments tragiques que leurs enfants sont morts aux combats n’ont pas parce qu’ils voulaient mourir mais parce qu’ils voulaient vivre. Et ils ont perdu la vie pour que vous et nous puissions garder la nôtre, alors qu’elle valeur donneriez vous à l’action de vos enfants en ne respectant pas cette vie si précieuse, qu’ils chérissaient et qu’ils ont perdu en nous défendant? L’amour qu’on leur porte doit être un moteur pour continuer à vivre afin d’honorer leur mémoire et faire en sorte que nos soldats et nos soldates ne soient pas morts pour rien.

Myriam finit son interview par un constat: “N’oublions jamais qu’ils sont morts pour des valeurs de liberté et d’amour de son prochain, ils sont morts pour que l’on puisse vivre, à nous d’être à la hauteur de leur combat”, “le travail est monumental, ce ne sont pas que quelques familles endeuillées, c’est tout un pays endeuillé.״

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It is Thursday, December 14, my mother has a routine visit to the hospital for her eyes. The appointment is in Bellinson, one of the largest hospitals in the central region which receives many injured people. We leave the house et 8am, for a 9:30am appointment. I try to disconnect myself from the media and not listen to the news too much but I can’t, so I turn on the radio for the hour’s drive we have ahead of us. We are leaving our “comfort zone” which is the region where we live, a region which has been out of missile range since the start of the war and we are entering a more exposed zone, I am listening to the radio mainly in case there is an alert, which is very unlikely, but you never know… The great lesson of this war was that we must not prejudge anything.

I have learned to focus on multiple fronts…, I can follow at once; the road, the news on the radio and my mother’s discussion which repeats the same news over and over again but in French. At one point in the program, a woman of a certain age intervenes and she suddenly receives my full attention. I decide to resume her interview here because she deserves to be known. She is a public figure in Israel but I don’t think her story has had much resonance abroad.

Myriam Perez, is 70 years old, she is invited this morning for a very particular reason, “she knows how to comfort people”. She is neither a social worker nor a psychologist, but her personal background and experience give her legitimacy to do that. She lost two of her sons in combat. Ouriel at the age of 22, during the Second Lebanon War and Elyraz in 2010 in Gaza. Her two boys were combat soldiers in the Golani unit and some time after the death of her first son, her husband also died, dying of grief… He developed a very serious illness and he let himself die. So “mourning ״ Myriam knows exactely what that means and that is the reason why she will go and comfort the families of the Golani soldiers of Gdoud 13 who died these last days.

She will comfort them, in the same way that she has comforted hundreds of families since the start of this war and others prior to that, in previous conflicts. This is a full-time volunteer job; she starts her day at 8 a.m. and ends at 11 p.m. Strengthened by the fact that she was able to recover from this terrible pain which was the loss of her sons and her husband, she will visit the bereaved families in order to show them how they too can recover from this drama. She explains that she can visit up to 14 families per day and that the families listen to her attentively and wait for her advice.

The first weeks, she went there alone by her own means and on her own initiative, then the Ministry of Defense, realizing how valuable her help was, contacted her and offered to help her by providing her a car and a soldier to drive it. Normally the army follows bereaved families with financial, moral support and psychological help, the army similarly follows families of an injured soldier who need immediate support, such as taking them to the hospital , directing them, explaining them everything and helping them financially if their daily presence near their injured child prevents them from working…. Unfortunately, so many have been killed or injured that the army does not have enough people to help every one and priority is given to the families of the injured soldiers.

This means that many bereaved families are left to fend for themselves, alone with their grief. This is where Myriam comes in. She says she was called, just a few days ago, to a woman who was on the verge of suicide. This grief-stricken mother stood on the edge of her balcony, ready to jump. She screamed that she had lost her one and only son and that she no longer wanted to live. Myriam asked her a simple question to stop her: “Will your suicide bring your son back? “. Then she introduced herself and explained to her the reasons why, she not only had to keep on living but she also had the duty to do everything in order to be happy. Myriam told her that she knows her pain and her suffering but that her suicide will only cause even more suffering. The reason that must push her to continue living is the love she had for her son. Myriam explains that the pain is so strong that it sometimes takes over this love and that it is necessary to remind grieving parents of this.

It is necessary to remind them in these tragic moments that their children died in combat not because they wanted to die but because they wanted to live. And they lost their lives so that you and we could keep ours, so what value would you give to the action of your children by not respecting this precious life, which they cherished and which they lost in defending us? The love we have for them must be a driving force to continue living in order to honor their memory and ensure that our soldiers do not die for nothing.

Myriam ends her interview with an observation: “Let us never forget that they died for the values of freedom and love of one’s neighbor, they died so that we can live, it is up to us to live up to it. of their fight”, “the work is monumental, it’s not just a few bereaved families, it’s an entire country in mourning.