Nous sommes déjà jeudi, hier soir j’ai reçu un coup de fil de ma fille qui me prévenait qu’elle sortait en mission et qu’elle serait sans son téléphone. Ce matin j’avais ma patrouille de sécurité à faire de 6 à 8. J’ai mis le réveil à 5:30 pour me lever à 5:40, j’ai enfilé rapidement mes habits, un passage express à la salle de bain, un passage encore plus rapide à la cuisine et je suis sortie.

A 6h du matin précisément , je suis au volant de la voiture et j’écoute les premières nouvelles en priant qu’aucun soldat ne soient tombé dans la nuit. Mes prières comme d’habitude depuis ces derniers jours, n’ont pas été écoutées. Trois soldats sont morts et 8 autres sont blessés, dont deux dans un état grave. L’un des deux soldats blessés grièvement est un soldat de l’unité Oketz, l’unité de ma fille.

Sachant qu’elle est sortie en mission cette nuit mon coeur se serre; forcement il ne s’agit pas d’elle, j’aurai été prévenue… mais je me sens angoissée, je l’imagine prise dans les combats et être témoin de terribles scènes de guerre . J’ai passé les deux heures de patrouille stressée, à scruter mes messages, car en général dès qu’elle rentre de mission et qu’elle récupère son téléphone, elle m’envoie un petit mot, juste pour me rassurer.

A 8h15 je suis de retour chez moi et je lui écris: “appelle moi s’il te plaît” et 20 minutes plus tard elle me répond. Leur mission est finie, ils viennent de sortir et ils attendent le véhicule qui doit les ramener à leurs base et elle précise: “tout s’est bien passé”. Je suis bien entendu très soulagée, rassurée que ma fille aille bien mais je suis tellement peinée pour ceux qui sont partis, pour ceux qui sont blessés… Et tous les matins c’est le même scénario qui recommence, l’angoisse au réveil, la crainte que les nouvelles soient mauvaises.

Ma fille n’est pas au courant que cette nuit trois soldats ont été tués et qu’un soldat de son unité est dans un état grave, ils ne sont en général au courant de rien et je ne lui dis rien; par contre elle est toujours au courant lorsqu’un chien est tué. Les chiens sont à la fois leurs frères d’armes et leurs enfants, ils sont sous leur responsabilité et leur protection, elle ne peut pas, ne pas être au courant, si l’un d’eux manque à l’appel.

Dans la matinée, je reçois un autre coup de fil; elle me prévient qu’ils sont arrivés à la base et qu’elle va se reposer quelques heures. Elle est fatiguée, ils n’ont pas dormi de la nuit et elle a mal à la tête et aux oreilles car elle a oublié de mettre des boules Quies pour le bruit. J’essaie de la faire sourire un peu, je lui dis que ce n’est rien, que cela va passer c’est comme une mauvaise soirée en boite de nuit, près de la sono… Elle est trop fatiguée pour apprécier mon sens de l’humour, elle me répond juste qu’elle me tiendra au courant dans la journée de l’heure à laquelle je pourrai venir la chercher.

Cet après-midi je devais aussi ramener ma mère à l’hôpital pour une autre de ses visites de routine et sur la route nous avons eu une alerte que je n’ai pas entendue. En l’espace de 20 minutes, 30 roquettes ont été tirées de Gaza sur la région centre du pays. Je n’avais pas la radio allumée pour me tenir a courant, nous avons continué à rouler sans nous arrêter. Je m’en suis rendue compte car nous avons entendu plusieurs boums consécutifs et il nous a même semblé que la terre avait bougé.

J’ai de suite allumé la radio et j’en ai eu confirmation. Des débris de roquettes sont tombés sans faire de blessés sur un terrain vague non loin de l’hôpital où nous allons et on a encore 20 minutes de route à peu près. Entres temps ma fille me rappelle pour me prévenir qu’elle ne sortira pas ce soir. Peut-être demain mais peut-être pas… Je me faisais une joie de les avoir tous à la maison ce vendredi mais à part mon frère qui est déjà sorti, il semblerait que pour mes filles se soient mal partis. Ce n’est pas grave; l’essentiel, c’est qu’elles soient entières et en bonne santé; en temps de guerre, on apprend à tout relativiser.

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It’s already Thursday, last night I received a call from my daughter who informed me that she was going out on a mission and that she would be without her phone. This morning I had my security patrol to do from 6 to 8. I set the alarm for 5:30 to get up at 5:40…, I quickly put on my clothes, a quick trip to the bathroom , an even quicker trip to the kitchen and I was out.

At precisely 6 a.m., I am behind the wheel of the car and I listen to the first news while praying that no soldier has fallen during the night. My prayers as usual since these last days, have not been heard. Three soldiers died and 8 others were injured, including two in serious condition. One of the two seriously injured soldiers is a soldier from the Oketz unit, my daughter’s unit.

Knowing that she went out on a mission last night , I worry; I know nothing happened to her, I would have been informed already,… but, I feel anxious, I imagine her caught in the fighting and witnessing terrible scenes of war. I spent the two hours of patrol stressed, scanning my messages, because generally as soon as she returns from a mission and gets her phone back, she sends me a little note, just to reassure me.

At 8:15 a.m. I’m back home and I write to her: “call me please” and 20 minutes later she answers me. Their mission is finished, they just came out of Gaza and are waiting for the vehicle which will take them back to their base and she specifies: “everything went well”. I am of course very relieved, reassured that my daughter is well but I am so sad for those who died, for those who are injured… And every morning it’s the same scenario that starts again, the anxiety upon waking up. , the fear that the news will be bad.

My daughter is not aware that three soldiers were killed last night and that a soldier in her unit is in serious condition, they generally know nothing and I don’t tell her anything; on the other hand, she is always informed when a dog is killed. The dogs are their brothers in arms and also their children, they are under their responsibility and their protection, she cannot not notice if one of them is missing.

In the morning, I receive another phone call from her; she tells me that they have arrived at the base and that she is going to rest for a few hours. She’s tired, they haven’t slept all night and her head and ears hurt because she forgot to put in earplugs for the noise. I try to make her smile a little, I tell her that is not a big deal, that it will pass, it’s like a bad evening in a nightclub, near the sound system… She’s too tired to appreciate my sense of humor, she just tells me that she will let me know later when I can come pick her up.

This afternoon I also had to take my mother back to the hospital for another of her routine visits and on the way we had an alert that I didn’t hear. In 20 minutes, 30 rockets were fired from Gaza into the central region of the country. I didn’t have the radio on to keep me informed, we continued driving without stopping. I realized that something was going on because we heard several consecutive booms, it seemed as if the earth had moved.

I immediately turned on the radio and got confirmation. Rocket debris fell without causing any injuries not far from the hospital where we are going and we still have a 20 minutes drive. In the meantime my daughter calls me back again to let me know that she won’t be going home this evening. Maybe tomorrow but maybe not… I was happy to have them all at home this Friday but apart from my brother who is already out, it seems that for my daughters it won’t happen. Never mind; what is important is that they are well and healthy; in times of war, we learn to put everything into perspective.