Le 13 c’est l’anniversaire de maman et mon frère revient de très loin pour être près d’elle aujourd’hui. J’écoute le récit de ce qui lui est arrivé et je suis sous le choc qu’il s’en soit si bien sorti. C’est incroyable. Il, a eu une chance incroyable… Les soldats réservistes ont passé les trois premiers mois de la guerre à sécuriser la frontière, sans rentrer dans Gaza. Mais depuis un mois, depuis que les troupes régulières en sont sorties pour se réorganiser et se reposer un peu, les réservistes ont pris le relai sur certaines missions dans Gaza.
L’essentiel du travail est de progresser de manière méthodique et de vérifier consciencieusement chaque maison pour s’assurer qu’elle ne soit pas piégée où qu’elle ne cache pas des tunnels. Des unités spéciales de Tzahal, appuyées de chiens ou de drones, ne sont entraînées que pour cela. Mais devant l’ampleur du travail; des unités de réservistes comme celle de mon frère se sont jointes à l’effort mais sans l’appui des chiens ni des drones; ils ont tous le même âge, ce sont des hommes entres 30 et 40 ans mobilisés depuis le 7 octobre et qui se connaissent depuis leurs 18 ans car ils ont fait leur service ensemble.
Ce 12 février cela faisait près de deux semaines, voir plus, qu’ils étaient dans Gaza à verifier des bâtiments et ils devaient tous finir leur période de reserve le 14 février. Leur commandant qui sera tué dans cette dernière opération était comme un frère pour eux. Il a accepté cette dernière mission confiant, connaissant les risques et connaissant le courage et le professionnalisme de ses soldats. L’objectif du jour: accéder à une mosquée dans un quartier à l’ouest de Khan Yunes pour la nettoyer de stocks importants de munitions et d’armes en tout genre.
Ils sont une soixantaine de soldats à s’avancer dans cette rue où l’armée n’était jamais entrée auparavant. La mosquée est au bout de la rue et ils doivent verifier chaque maison sur leur route. Dès la première maison, un des soldats qui travaille en binôme avec leur commandant est touché. En sortant de la maison, il reçoit une balle dans la jambe, ils l’évacuent et continuent à avancer. Cette blessure lui sauvera la vie, s’il était resté près de son commandant il aurait été tué avec lui dans les heures qui vont suivre.
Ils avancent doucement, un D9 ( une sorte de gros tracteur qui creuse la terre) leur trace le chemin et les protège. Ils y sont presque, encore une dernière maison à vérifier avant la mosquée. Le D9 en creusant leur fait une sorte de mur de terre devant la maison où ils peuvent se positionner pour assurer la sécurité des soldats qui se trouvent à l’intérieur. Une dizaine de soldats y pénètrent pour commencer les recherches.
Mon frère est dehors, près du mur de terre, il surveille. Avec lui 5 autres soldats dont son commandant Nathanaël Elkoubi. Trois sont à la droite du mur, trois sont sur la gauche. Les soldats à l’intérieur préviennent “On a trouvé un tunnel”, Elkoubi leur donne l’ordre de quitter la maison jusqu’à ce que le déminage arrive. Ils sont sur le point de sortir et tout explose. Un premier boum puis un deuxième.
Au moment de l’explosion les 6 étaient toujours dehors face à la maison, mon frère qui était le plus à gauche ainsi que les deux soldats près de lui sont soufflés. L’onde de choc les fait voler en l’air et ils atterrissent quelques mètres plus loin. Les trois qui étaient sur la droite, dont son commandant, non pas été protégés par le mur et prennent l’explosion de pleine face. En une seconde la rue devient une zone de guerre. Mon frère est sonné, mais du fait de la montée d’adrénaline il réussit à se relever. Il cherche autour de lui ses copains, tout n’est que poussière et chaos.
Cela crie et tire de tous les côtés et lui même commence à tirer tout en se dirigeant vers la maison. Il réussit à sortir des décombres un soldat, qu’il met à l’abri puis un deuxième, qu’il porte à bout de bras jusqu’a l’une des jeeps arrivées pour les secourir. Les unités de secours de l’armée, l’unité 551, des Rambos en puissance, arrivent dans les 10 minutes. Une fois le corps du soldat mis à l’abri mon frère soudain ne se sent plus très bien, les effets du blast commencent à se faire ressentir. Tout son côté droit est comme endolori, il a du mal à fermer sa main, il est déboussolé, les soldats ne prennent aucun risque et demandent à ce qu’il soit évacué avec les autres blessés.
Ils l’allongent à l’arrière du hummer qui le conduit à un hélicoptère de l’unité 669 de l’armée de l’air qui le transporte jusqu’à Tal Hashomer. Il est conscient, il sait que son commandant est mort, il sait que d’autres le sont sûrement, il ne sait pas encore qui et il ne sait pas combien. Il sait aussi qu’il est en vie car les soldats qui sont près de lui ne cessent de le lui répéter mais il a du mal à y croire… On sera prévenu de son arrivée à l’hôpital vers 13h et il saura qui des ses amis est décédé qu’en fin de journée. L’explosion aura fait de très nombreux blessés et aura tué 3 soldats. Nathanaëll Elkoubi, Yair Cohen et Ziv Chen.
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The 13th is mom’s birthday and my brother has come from far away to be near her today. I listen to the story of what happened to him and I am shocked that he came out so well. It’s incredible. He had incredible luck… The reservist soldiers spent the first three months of the war securing the border, without entering Gaza. But for a month, since the regular troops left to reorganize and rest a little, the reservists have taken over certain missions in Gaza.
The main part of the job is to progress methodically and carefully, check each house to ensure that it is not trapped or hiding tunnels. Special Tzahal units, supported by dogs or drones, are only trained for this. But given the scale of the work; reservist units like my brother’s joined the effort but without the support of dogs or drones. They are all the same age, they are men between 30 and 40 years old who have been mobilized since October 7 and who have known each other since they were 18 because they did their basic training and served together.
On February 12, they had been in Gaza checking buildings for almost two weeks, or more, and they were all due to end their reserve period on February 14. Their commander who will be killed in this last operation was like a brother to them. He accepted this last mission confidently, knowing the risks and knowing the courage and professionalism of his soldiers. Today’s objective: access a mosque in a neighborhood west of Khan Yunes to clean it of large stocks of ammunition and weapons of all kinds.
There are around sixty soldiers advancing into this street where the army had never entered before. The mosque is at the end of the street and they have to check every house on their way. They enter the first house, then as they left the house, one of the soldiers who works in pairs with their commander is wounded, he was shot in the leg, they evacuated him and continued to advance. This will save his life; if he had stayed near his commander he would have been killed with him in the hours that followed.
They advance slowly, a D9 (a sort of large tractor which digs the earth) traces their path and protects them. They’re almost there, one more house to check before the mosque. The D9 while digging made a sort of earthen wall in front of the house where they could position themselves to ensure the safety of the soldiers inside. Around ten soldiers entered to begin the search.
My brother is outside, near the earthen wall, keeping watch. With him 5 other soldiers including his commander Nathanaël Elkoubi. Three are to the right of the wall, three are to the left. The soldiers inside warn “We found a tunnel”, Elkoubi orders them to leave the house until the bomb squad arrives. They’re about to go out and everything explodes. A first boom then a second.
At the time of the explosion the 6 were still outside facing the house, my brother who was furthest to the left and the two soldiers near him were blown away. The shockwave sends them flying into the air and they land a few meters away. The three who were on the right, including his commander, were not protected by the wall and took the explosion head on. In a second the street becomes a war zone. My brother is stunned, but due to the adrenaline rush he manages to get up. He looks around for his friends, everything is dust and chaos.
There is a lot of screaming and shooting from all sides and he himself starts shooting while heading towards the house. He managed to get a soldier out of the rubble, whom he sheltered, then a second, whom he carried at arm’s length to one of the jeeps that had arrived to rescue them. Army relief units, Unit 551, would-be Rambos, arrive within 10 minutes. Once the soldier’s body was sheltered, my brother suddenly didn’t feel very well, the effects of the blast began to be felt. His entire right side feels sore, he has difficulty closing his hand, he is confused, the soldiers take no risks and ask that he be evacuated with the other wounded.
They put him in the back of the hummer which took him to a helicopter from Air Force Unit 669 which transported him to Tal Hashomer hospital. He is conscious, he knows that his commander is dead, he knows that others surely are but he doesn’t yet know who and he doesn’t know how many. He knows that he is alive, because the soldiers who are near him keep telling him that but he has difficulty believing it… We will be notified of his arrival at the hospital around 1 p.m. and he will know who of his friends died only at the end of the day. The explosion left many injured and killed 3 soldiers. Nathanaëll Elkoubi, Yair Cohen and Ziv Chen.
De tout cœur avec vous.